LE MONDE SOUS NOS YEUX
19 JANVIER - 30 JUILLET 2023
Le Centre International du Photojournalisme (CIP) présente :
LE MONDE SOUS NOS YEUX,
Cycle d’expositions consacré à la représentation de la violence,
de la métaphore à la frontalité.
Couvent des Minimes
24, rue François Rabelais - 66 000 Perpignan
Horaires d’hiver : du 1er octobre au 31 mai 2023
Ouverture du mardi au dimanche de 11h à 17h30
Horaires d’été : du 1er juin au 30 septembre 2023
Ouverture du mardi au dimanche de 10h30 à 18h30
Attention, les expositions du CIP au Couvent des Minimes sont fermées :
Du 23 mai au 16 juin 2023 inclus
//ALIZÉ LE MAOULT
Ce que leurs yeux ont vu...
2013-2023
Commissariat : Jean-Luc Monterosso, Jean-Luc Soret, Nicolas Petit.
Avec la série de diptyques intitulée « Ce que leurs yeux ont vu… » Alizé Le Maoult rend hommage aux reporters de guerre, aux témoins de l'Histoire, à ceux qui témoignent des soubresauts du monde, souvent au péril de leur vie. En 1994, Alizé Le Maoult est en Bosnie pour la préparation du film « Le Cercle parfait » du cinéaste bosnien Ademir Kenović, dont le tournage commencera en décembre 1995 après la signature des accords de Dayton qui mettra officiellement fin au conflit. Les sites mêmes du tournage, lieux de combats entre Serbes et Bosniaques, près de l’aéroport de Sarajevo, impliquent d’abord des opérations de déminage. Alizé Le Maoult habitait alors sur la célèbre « Sniper Alley » de Sarajevo. C’est dans la ville assiégée depuis plus de trois ans, qu’elle rencontre les reporters, et en particulier, une nouvelle génération de photojournalistes, à l’instar de Rémy Ourdan, encore nombreux à couvrir ce qui fut la première guerre en Europe après la Seconde Guerre mondiale. De ces rencontres, naîtra chez Alizé Le Maoult l’envie de rendre hommage à ceux qui témoignent. Cinéaste de formation, c’est pour son projet de film long métrage, dont les personnages principaux étaient des reporters, qu’elle commence naturellement à se documenter sur les photographes de guerre et qu'elle fait la rencontre de Stanley Greene à New York puis de Patrick Chauvel à Paris. En avril 2012, Patrick Chauvel et Rémy Ourdan préparent leur documentaire « Le siège », relatant le siège de Sarajevo et décident de réunir, 20 ans après, tous ceux qui avaient couvert le siège, dans la capitale bosnienne. A l'invitation de Patrick Chauvel à rejoindre les photojournalistes à Sarajevo, à l’Holiday Inn, hôtel ou nombre d’entre eux se trouvaient pendant le siège, Alizé Le Maoult a de la retenue, elle n'est pas reporter, ni même journaliste. « Devant ma réserve », raconte-t-elle, Patrick Chauvel me dit : « tu n’es peut-être pas reporter mais toi tu sais » et donc, ce « toi tu sais » a été le point de départ, car il actait la légitimité de ma présence parmi ces grands photojournalistes (...) ». Cette année-là la ville de Sarajevo célèbre les vingt ans du début de la guerre avec une scénographie particulière : un immense panneau rouge barrant de toute sa largeur l’artère principale de Sarajevo et, inscrit au centre en blanc, le nombre 11 541, soit le nombre de morts durant le siège. Derrière le panneau, un flot de chaises rouges en plastique s’étend ; chaque chaise symbolise un mort, et forme « comme un flot de sang qui traverse la ville » commente Alizé Le Maoult. « Le jour de l’inauguration, nous arrivons avec les reporters, et quelque chose nous saisit tous physiquement. On avance le long des centaines de chaises, et tout d’un coup on arrive à la hauteur de toutes petites chaises, près de 600 chaises, qui symbolisent les enfants qui ont été tués. Et là, les parents apportent des fleurs, des jouets et des peluches qu'ils déposent sur les petites chaises rouges. À ce moment-là, même les plus aguerris des reporters sont submergés par l’émotion. Tout le monde essayait de retenir ses larmes, nous étions dans un état de sidération. Vingt ans après. Tout cela paraissait irréel, absurde. De retour au Holliday Inn, j'ai eu envie d'archiver l'unicité et le paradoxe de ce moment, j'ai donc demandé aux reporters de les photographier contre le mur de l’hôtel au Polaroid 180, c’est comme cela qu’a commencé la série de portraits "Ce que leurs yeux on vu..."». Le premier volet "Génération Sarajevo" sera exposé en 2014 à l'Hôtel Europe lors des commémorations pour le centenaire de la Première guerre mondiale. « Ensuite, en 2016, dans le cadre de la préparation d’une exposition dans les collections permanentes du musée de la Grande Guerre, à Meaux, avec mon commissaire d'exposition, nous avons souhaité mettre en regard de chaque portrait une image prise par les photographes eux-mêmes. Je leur ai demandé de choisir une photo parmi tous les conflits qu'ils ont couverts qui représenterait "la guerre", car eux seuls savent ce qu'ils ont vu... Je voulais aussi que nous entendions leur voix pour accompagner le portrait et l’image, je leur ai donc demandé de me livrer des mots personnels soit au sujet de la guerre, de leur métier ou sur le fait d'être un témoin de l'Histoire. Il était important de pouvoir saisir le plus intimement possible leur voix, le rapport qu’entretiennent ces photographes aux conflits qu’ils couvrent, à leur engagement ». A. Le Maoult, entretien avec JL. Soret, 24 octobre 2022
Abbas, Ameer Al Halbi, Ali Arkady, Lucas Barioulet, Patrick Baz, Yannis Behrakis, Guillaume Binet, Alexandra Boulat, Éric Bouvet, Alain Buu, Sandra Calligaro, Alvaro Canovas, Robert Capa, Patrick Chauvel, David Seymour, dit Chim, Rachel Cobb, Enrico Dagnino, William Daniels, Jérôme Delay, Françoise Demulder, Maxim Dondyuk, Corinne Dufka, Giles Duley, Thomas Dworzak, Edouard Elias, Corentin Fohlen, Stanley Greene, Thomas Haley, Ron Haviv, Guillaume Herbaut, Olivier Jobard, Jon Jones, Alain Keler, William Keo, Bulent Kilic, Gary Knight, Bénédicte Kurzen, Frédéric Lafargue, Catherine Leroy, Pascal Maitre, Evgeniy Maloletka, Aline Manoukian, Don McCullin, Steve McCurry, Aris Messinis, Christopher Morris, John G.Morris, Yan Morvan, James Nachtwey, José Nicolas, Anja Niedringhaus, Emmanuel Ortiz, Sergey Ponomarev, Noël Quidu, Patrick Robert, Chloé Sharrock, Joao Silva, Christine Spengler, Maggie Steber, Tom Stoddart, Gerda Taro, Pierre Terdjman, Goran Tomasevic, Nick Ut, Véronique de Viguerie, Alfred Yaghobzadeh, Raphaël Yaghobzadeh, Francesco Zizola.
Depuis son plus jeune âge, Alizé Le Maoult est immergée dans la photographie. Sa passion est née avec son père « photographe amateur de talent », qui transformait la salle de bains familiale en labo photo. D’abord, modèle privilégié de celui-ci, c’est le cinéma qui l’enrôle, très jeune, pour faire ses premiers pas devant la caméra. Après des études de cinéma à New York, elle collabore avec des réalisateurs de renom comme Walter Salles, Balthazard Kormakur, Manuel Pradal, Jorge Navas ou encore Elia Suleiman pour le film « Intervention divine » (Prix du jury à Cannes en 2002). L’année 1995 est une date clef. Le cinéma l’emmène dans la guerre à Sarajevo pour le tournage du film « Le Cercle parfait » d’Ademir Kenovic. Cette expérience professionnelle et émotionnelle intense lui inspirera plus tard, le premier volet de la série de portraits de photographes de guerre « Ce que leurs yeux ont vu / Génération Sarajevo… ». Alizé a étendu ce projet inédit à d’autres photographes de guerre et aux nouvelles générations. Son travail photographique accompagne sans relâche sa trajectoire cinématographique à travers le monde, elle s’en détache, et tente d’extraire avec la photographie la beauté et la poésie qui nous entoure. L’être humain, la ville, la nature sont ses terrains d’exploration récurrents et sans frontières. Du portrait à l’abstrait, ses univers visuels se racontent en série : Réconciliation I & II (avec Romain Léna), Pink Shanghai, Cuba Blues, White Washington, Sérénité, Vibrations, Nuits Eclairées... Alizé Le Maoult a exposé à Paris, Beyrouth, Sarajevo, Caen, Meaux et Verdun aussi bien dans des galeries et des foires que dans des Musées ou institutions. Elle a également exposé aux côtés de Yann Arthus-Bertrand, la série « Sable végétal » à la Galerie Mandarine (Paris) en 2018-2019, et « À ciel ouvert » à la galerie Myriam Bouagal (Paris) en 2019.
//GILES DULEY
Legacy Of War
Commissariat : Jean-Luc Monterosso, Jean-Luc Soret, Nicolas Petit.
Commissariat : Jean-Luc Soret
Photographe: Giles Duley / Réalisation vidéo: Lou Baron / Musique: Dayan & Lekemar
Au cours des quinze dernières années, Giles Duley a documenté les effets à long terme des conflits dans le monde par le biais de ses photographies et de ses écrits. Son projet Legacy of War explore l'impact durable de la guerre sur les individus et les communautés à travers les récits de ceux qui vivent les lendemains de ses affrontements. Qu'arrive-t-il aux pays et à leurs habitants une fois qu'un conflit est terminé ? Alors que la plupart des médias se concentrent sur les conséquences économiques et politiques à court terme de la guerre, le travail de Duley s'intéresse à l'humain et au personnel. Il explore l’environnement local et la vie quotidienne des personnes touchées par les conflits et soulève des questions souvent négligées par les grands médias et l'histoire. Son travail contourne la dimension dramatique si souvent associé à la guerre. Vous ne verrez pas d'images de chars, de canons, d'explosions dans son travail, mais plutôt des histoires de la vie quotidienne de ceux qui sont pris dans la guerre. (…) "Les guerres ne sont pas comme les gens l'imaginent. Ce n'est pas de l'action permanente, comme dans les films et les jeux vidéo ; la guerre est plutôt faite de longues périodes de monotonie, ponctuées de moments de violence extrême. Ce sont ces périodes douloureusement longues, où il ne se passe pas grand-chose, qui épuisent le moral des gens : l'isolement, les vies en suspens, l'absence de travail, les choix limités, la nourriture rare et la peur persistante. Pourtant, de façon remarquable, la vie continue. Vous entendrez des rires tirés de l'humour noir, vous assisterez à des mariages et à des anniversaires, vous nouerez des amitiés étroites et vous ressentirez ce que c'est que d'être en vie. C'est dans les moments d'intimité que j'ai réalisé que je ne suis pas un photographe de guerre, mais que je documente l'amour". Duley est Directeur Général de la Fondation Legacy of War, photographe, écrivain, chef-cuisinier et présentateur, né en 1971 à Londres. Son travail se concentre sur l'impact humanitaire à long terme des conflits. Ayant débuté comme photographe musical, Duley a travaillé avec des artistes comme Mariah Carey, Oasis et Lenny Kravitz pour des publications telles que Q, Vogue, Sunday Times et Elle. En 2000, son image de Marilyn Manson a été classée parmi les 100 plus grandes photographies de rock de tous les temps. En 2004, Duley s'est tourné vers le travail documentaire, s'associant à des organisations caritatives respectées telles que HI (Humanity and Inclusion), EMERGENCY, Save the Children et UNHCR (Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés) pour mettre en lumière des histoires moins connues qui méritent l'attention et l'action du public. Bien qu'il documente des situations difficiles, et parfois horribles, Giles capture la force de ceux qui combattent l'adversité plutôt que de succomber. Ses photographies attirent le spectateur vers le sujet, créant une intimité et une empathie pour des vies qui ne diffèrent des nôtres que par les circonstances. Son travail l'a conduit en Irak, en Afghanistan, au Sud-Soudan, en République démocratique du Congo, en Angola, au Bangladesh, au Kenya, en Ukraine, en Jordanie, au Liban, en Colombie, au Vietnam et au Nigeria, entre autres. En 2015, il a lancé son projet Legacy of War, qui cherche à explorer les thèmes communs des conflits. Une partie essentielle du projet consiste en des collaborations avec d'autres artistes et écrivains afin de toucher un public plus large. Il a notamment collaboré avec les musiciens Massive Attack et PJ Harvey. En 2011, alors qu'il travaillait en Afghanistan, Duley a été gravement blessé par une bombe artisanale. À la suite de ses blessures, il est triplement amputé. En 2012, il est retourné en Afghanistan pour poursuivre son travail de photographe. L'ONG Legacy of War Foundation qu’il a fondé et qu’il dirige est une organisation caritative internationale qui aide les communautés et les individus à reconstruire leur vie après un conflit. Duley milite pour les droits des réfugiés et des personnes handicapées. En tant que présentateur, il a réalisé deux émissions Unreported Worlds pour la chaîne de télévision britannique Channel 4 et il a produit et présenté la série télévisée de six épisodes de VICE, The One-Armed Chef (Le chef-cuisinier manchot), qui a été diffusée en 2022. En 2017, le Sunday Times l'a inclus dans sa liste alternative de riches, pour ceux qui sont "riches en expérience, riches en esprit, riches en vie....". Dans cette liste, la présentatrice Natasha Kaplinsky a déclaré à propos de Duley : "Même des blessures catastrophiques ne l'ont pas empêché de faire ce qu'il estime devoir faire de sa vie." En 2019, il a été récompensé par le prix Amnesty Media pour le photojournalisme. "Différents photographes peuvent utiliser le même appareil, la même lumière, ou tous choisir le même cadre. Mais ce qui est différent, c'est l'âme de la personne derrière l'objectif, et les moments qu'elle reconnaît et qui l'attirent - le lien émotionnel qu'elle établit. C'est ce que j'aime dans la photographie de Giles. En regardant ses images, nous pouvons ressentir ce qu'il ressent. Il est clair qu'il s'attache profondément à la condition humaine des gens du monde entier. Il a lui-même traversé une épreuve. On dit que l'adversité aide à développer la compassion, et l'art de Giles semble en témoigner." Angelina Jolie
Kintsugi
Ouganda, Juin 2020
Le kintsugi est un procédé japonais de réparation de céramiques brisées au moyen de laque d’or. Kinsignifie doré. Tsugi signifie joint. Le kintsugi est inspiré d’un concept zen selon lequel, en présence d’une céramique brisée, bol ou plat précieux, il convient de ne pas chercher à effectuer une réparation invisible, comme nous le faisons en Occident, mais, en rejointant les morceaux, de souligner les lignes de cassure, de sorte que la beauté et la solidité des fêlures soient mises en valeur. Les précieuses veines d’or courant à la surface du bol sont là pour mettre en évidence les cassures qui font partie intégrante de l’histoire de l’objet, qu’il faut rappeler et contempler. Selon moi, le kintsugi représente la résilience. Les expériences que nous avons vécues, qui nous ont brisés, abîmés, blessés, fait souffrir, sont les lignes de fortune de notre vie qui doivent être réparées avec de l’or. Il ne faut pas en avoir honte, ni les dissimuler, mais les considérer comme la source de notre force et de notre résilience. Durant de nombreuses années, j’ai eu honte des cicatrices de guerre sur mon corps, je les cachais ; mais maintenant, je les ai acceptées et les célèbre comme mon kintsugi personnel. Aussi ai-je été très touché quand Toni Hollis, mon amie chère, a créé ces kintsugi à partir des photos et récits de deux Sud-Soudanaises. Pour Catarina Kade, 70 ans, la vie au Sud-Soudan avait été bonne. Ses amis et sa famille l’entouraient, la nourriture était abondante, les chemins et les routes étaient lisses, de sorte qu’elle pouvait se déplacer en fauteuil roulant. C’est alors que la guerre est arrivée dans son village et qu’ont commencé les massacres de la population. Sa famille l’a aidée du mieux qu’elle le put, mais dans leur fuite, Catarina a dû abandonner son fauteuil roulant, car le terrain était impraticable. Il fallut donc la porter durant cet exode qui a duré une semaine, avant de parvenir au camp de réfugiés d’Omugo, en Ouganda. Ici, dans le camp, Catarina se sent isolée. Elle aimerait pouvoir aller bavarder avec ses voisines, mais elle passe la plupart de ses journées seule, à l’ombre de sa hutte, car le terrain très rocailleux l’empêche d’aller et venir facilement ; elle ne peut même pas se rendre aux toilettes communes. « Quand on est handicapé, on ne peut pas l’ignorer, il faut faire avec », explique-t-elle, « mais ne serait-il pas possible de rendre le sol plus plat pour que je puisse me déplacer ? » Le thou [dattier du désert] de son village, à l’ombre duquel elle bavardait avec ses amies, lui manque. Dès les premiers mots échangés avec Deborah Nyuon, j’ai su que j’avais rencontré une femme extraordinaire. Elle vit depuis cinq ans dans un camp de personnes déplacées dans leur propre pays, au Soudan du Sud, mais n’a rien perdu de sa force vitale positive et contagieuse. Elle est douée d’un malicieux sens de l’humour, sa mémoire est prodigieuse et sa voix poétique. Voyant mes blessures, elle me dit en souriant : « Tu as toujours tes yeux pour voir. Tu as toujours tes oreilles pour entendre. Et tu as toujours ta main pour écrire tes mots. Ne t’inquiète donc pas de ce que tu as perdu. » Venant d’une femme comme elle, qui a tant souffert et tant perdu, c’est une leçon de vie pour nous tous. Pour nous recentrer sur ce que nous possédons dans notre existence, et en être reconnaissants. Quel est l’âge de Deborah ? « J’ai arrêté de compter il y a longtemps », m’a-t-elle répondu, « Maintenant, Dieu seul le sait ! » Elle souhaiterait réaliser un dernier rêve avant de mourir : revenir chez elle et boire le lait de son enfance. « Le goût de la maison me manque. Quand je vois des gens porter du lait, je pense à la maison. Voilà pourquoi nous pleurons, pour retrouver nos vaches. Si je pouvais boire du lait, je saurai que nous avons aussi la paix. » Les vies de Deborah et de Catarina sont brisées, les cassures demeurent visibles. J’espère de tout cœur qu’un jour, leur vie, comme celle de millions d’autres réfugiés, sera réparée. La guerre ne fera alors plus voler en éclats leurs histoires personnelles ; elles seront cimentées par l’or.
We Are Here Because We Are Strong
(Nous sommes ici parce que nous sommes fortes)
Angola, décembre 2018
Le récit de réfugiées congolaises en Angola
« Tout s’est passé très vite. J’ai entendu des tirs, très forts. Mon mari était parti au travail. Je ne savais pas quoi penser, tout s’embrouillait. J’étais terrifiée, alors je suis partie en courant avec rien d’autre que mon bébé dans les bras. Quand nous nous sommes enfuient dans la brousse, c’était comme si ma petite fille savait que notre vie en dépendait, parce qu’elle n’a pas pleuré une seule fois. Je n’avais pas de lait à lui donner, mais elle n’a pas pleuré. » ‒ une jeune Congolaise à son arrivée au centre d’accueil du HCR (Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés) en Angola. Dans les conflits modernes, les femmes sont souvent celles qui portent le plus lourd fardeau. Les guerres n’ayant plus de ligne de front, les populations civiles sont de plus en plus souvent prises pour cibles. Le viol et les violences sexuelles continuent d’être utilisés comme arme de guerre et, lorsqu’elles sont contraintes de fuir leur foyer, ce sont les femmes qui assument la responsabilité de la cohésion familiale et de l’éducation des enfants. Les violences faites aux femmes ont été particulièrement brutales au cours des récents affrontements qui ont débuté en mars 2017 dans la région du Kasaï, en République démocratique du Congo. Un conflit qui a provoqué le déplacement de quelque 1,4 millions de personnes en RDC et l’exil de plus de 34 000 personnes qui ont trouvé refuge dans la province de Lunda-Nord, dans le nord-est de l’Angola. Les réfugiés ont fait état de violences généralisées, de massacres, mutilations, incendies d’habitations, destructions de villages, d’écoles et d’églises, violations des droits de l’homme, mais aussi de pénuries alimentaires et du manque d’accès aux biens et services répondant aux besoins essentiels. Plus spécifiquement, les réfugiés arrivant en Angola ont rendu compte des pires violences sexistes que la région ait connues, perpétrées par les forces gouvernementales et les milices qui ciblent délibérément les femmes. Le personnel médical accueillant les familles de réfugiés qui ont traversé la frontière de l’Angola voisin a été choqué par les récits et l’état de santé de nombreuses femmes et jeunes filles. « Les réfugiés arrivaient dans un état épouvantable, certains étaient blessés à coups de machette, beaucoup étaient affamés, épuisés et traumatisés. » ‒ Philippa Candler, représentante du HCR en Angola. Un grand nombre de réfugiés congolais arrivés en Angola ont été installés dans un camp du HCR à Lóvua. Plus de 9 000 Congolais vivent à l’heure actuelle dans ce camp qui peut accueillir 30 000 personnes. À Lóvua, 75% des réfugiés congolais sont des femmes et des enfants. Les hommes étant souvent absents, morts ou dans l’incapacité de travailler, ce sont les femmes qui tentent de reconstruire leurs vies brisées et de subvenir aux besoins de leurs familles. « Les victimes, ce sont tous ceux qui n’ont pas pu s’échapper et qui sont morts dans ce conflit atroce. Les réfugiés sont des survivants. Ils ont tout perdu, sauf leur vie et leur dignité. Nous [le HCR] sommes là pour les aider à remonter la pente et à refaire leurs vies. Les femmes réfugiées incarnent mieux que quiconque cette force extraordinaire : je suis à chaque fois frappée par leur capacité à s’adapter, à cimenter leur famille et à faire face à l’adversité, avec le sourire. Pourtant, elles ne sont pas en acier trempé, ce sont des êtres humains, ce sont des femmes au grand cœur, des femmes fortes. » – Margarida Loureiro, responsable pour le HCR des relations extérieures, Angola. Lors de ma première visite au camp de Lóvua, j’ai vu deux femmes assises devant leur tente et quelque chose m’a immédiatement attiré vers elles. Rose (que j’appellerai bientôt tante Rose), sa sœur Mimi, puis Bernardette. Nous avons passé toute la journée à nous raconter nos histoires, à rire et à manger ensemble. D’un commun accord, nous avons décidé de faire une série de portraits de ces femmes, et uniquement d’elles, de sorte qu’elles nous racontent leurs histoires. Quand je suis revenu le lendemain, on se serait cru en pleine fête. Il était interdit aux enfants et aux hommes d’y participer ; la nourriture était préparée, des piles neuves avaient été achetées pour la radio. Nous avons dansé, mangé et photographié. À vrai dire, ce fut le shooting photo le plus mémorable de ma vie ‒ et à bien des égards, comme une célébration, une célébration de la vie. La résilience est un mot galvaudé, mais grâce à tante Rose et Mimi, grâce à toutes les femmes que j’ai rencontrées plus tard dans le camp, j’ai découvert sa véritable signification. Celles que j’ai été amené à connaître et à qui je rendais visite chaque jour étaient pleines de vie, joyeuses, et malgré tout ce qu’elles avaient enduré, elles rayonnaient une force profonde dans laquelle toute leur famille s’enracinait. Je n’en demeure pas moins conscient qu’il convient de ne pas idéaliser la résilience. De par sa nature, la résilience est une nécessité née de la souffrance. Ce n’est pas une vertu à laquelle on aspire, c’est un chemin pavé d’épreuves et de douleur. Tout en admirant la force et la résilience des femmes que je rencontrais, je ne pouvais pas ne pas être touché par les terribles violences auxquelles elles avaient assisté et dont elles avaient souffert tout au long de ce parcours. Pour certaines, le souvenir de ces expériences était encore trop présent et trop violent pour qu’elles puissent y faire face ; voilà ce qui se reflète dans leurs mots et leur regard, dans leur portrait. Ces portraits expriment la force de ces femmes. Mais ils rappellent aussi les épouvantables violences sexistes, les viols et les abus sexuels dont sont victimes les femmes dans les conflits du monde entier. Le premier jour, assis en compagnie de Rose, Mimi et Bernardette, je leur ai demandé comment elles avaient pu endurer tout cela et survivre. « C’est très simple », m’ont-elles répondu, « nous sommes ici parce que nous sommes fortes. »
The Friendship Salon
(Le salon de l'amitié)
Ouganda, Juin 2020
« Nous avons un dicton ici : “C’est une communauté qui élève un enfant, pas un individu”. » Quand Sarah Aba parle de son ancienne maison, elle évoque des après-midis passées en compagnie de ses amies, les pauses dans le travail durant lesquelles elles se tressaient mutuellement les cheveux. « À l’époque, on riait, on se donnait des conseils », rappelle-t-elle avec nostalgie. « Aujourd’hui, j’ignore où elles se trouvent. » Le Soudan du Sud, pays le plus récent du monde, était gangréné par la violence et l’instabilité bien avant sa création en 2011. La guerre civile a éclaté en 2013, les deux camps opposés prenant pour cible les populations civiles. Ce nouveau conflit a aggravé les conséquences de la famine et entraîné le déplacement de près de quatre millions de personnes, dont la moitié a cherché refuge et sécurité dans les pays voisins. Les femmes et les enfants représentent près de 80 % des personnes déplacées. Ils sont tout particulièrement vulnérables. Un déplacement massif de populations qui a abouti à une dislocation des villages et de familles entières. Dès la naissance, les Sud-Soudanais grandissent et vivent dans un réseau étroit d’appartenance et d’allégeances à la famille, à la famille élargie au village, au clan, à la tribu. De sorte que ceux qui se retrouvent seuls, souvent pour la première fois, peuvent éprouver des difficultés considérables à nouer de nouveaux liens d’amitiés au sein d’un groupe. Dans le nouvel environnement d’un camp de réfugiés, les jeunes mères, en particulier, sont souvent isolées. Une situation qui est à l’origine d’une recrudescence des suicides chez les jeunes femmes. « Toutes les personnes que je connais, je les ai connues dès l’instant de ma naissance », m’explique Sarah à propos de la dépression dont elle a souffert en arrivant, seule, dans le camp de réfugiés de Bidi Bidi, en Ouganda. Chez elle, la plupart des tâches, y compris l’éducation des enfants, sont prises en charge communautairement. Mais ici, ne connaissant personne de son entourage, elle s’est trouvée en difficulté. « La solitude est le plus grand tueur de réfugiés sud-soudanais », a noté un employé du Haut commissariat des Nation unies pour les réfugiés. C’est pourquoi Sarah et sept autres réfugiées du Sud-Soudan ont décidé d’agir. Bien que n’ayant aucune formation en ce domaine, elles ont ouvert un salon de coiffure dans le camp de Bidi Bidi. Situé dans le nord de l’Ouganda, non loin de la ville de Yumbe, Bidi Bidi est le deuxième plus grand camp de réfugiés au monde. Près d’un quart de million de Sud-Soudanais y vivent, la majorité d’entre eux depuis 2016. C’est en réalité une petite ville où de nombreuses petites entreprises ont été créées avec le soutien du gouvernement ougandais, du HCR (Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés) et d’autres agences humanitaires. Pour les femmes qui le gèrent, ce salon de coiffure représente bien plus qu’une entreprise. Leur intention première était de fonder une association de mères célibataires, qui les occupe et ne leur laisse pas le temps de penser, seules, aux événements passés. La plupart d’entre elles ont perdu des membres de leur famille, un mari, un enfant. Elles souhaitaient également créer un lieu où elles pourraient trouver un soutien mutuel et bâtir leur propre famille. « Les femmes ont du mal à parler d’elles-mêmes et de leur vie », explique Sarah, qui est un peu la mère du groupe. « Au salon, quand quelque chose ne va pas, on peut le dire, on pose des questions, on parle et ensemble on trouve des réponses. » Celina Amana, elle aussi membre de la coopérative, abonde en ce sens : « Quand je suis arrivée ici avec mon bébé, j’étais enceinte et mon mari avait disparu. J’étais tellement seule ! Mais ici, ensemble, on se console les unes les autres avec nos histoires personnelles. » Cependant, ces femmes considèrent aussi leur salon de coiffure comme une entreprise ; elles se sont toutes engagées à en faire une réussite, et le peu d’argent qu’il rapporte leur permet de subvenir aux besoins de leurs enfants. « Pourquoi croyez-vous que nous nous efforçons de paraître aussi belles ? En me voyant, une femme pourra se dire “je veux être belle comme elle” et me demandera où l’on m’a coiffé comme cela. Elle viendra donc ici. Nous sommes de vraies publicités ambulantes pour le salon ! » Certaines d’entre elles ont une autre raison de soigner leur apparence. Le Soudan du Sud connaît depuis quelques années une recrudescence des violences sexuelles. Les femmes qui fuient souvent seules avec leurs enfants en bas âge sont régulièrement la cible des différentes factions en guerre. Même dans les camps, les femmes célibataires sont encore souvent victimes de violences sexuelles et sexistes. « Ici, beaucoup de femmes ont peur et se cachent », explique Yeno Lili, « mais nous sommes fières d’être belles, de nous distinguer et d’être vues comme des femmes. Pourquoi devrions-nous nous cacher ? Ensemble, nous nous sentons plus en sécurité. » Le salon de coiffure est aménagé dans une petite hutte faite de bâches en plastique et de toiles. Il n’y a ni électricité ni matériel. En fait, ces femmes qui se sont formées elles-mêmes travaillent avec un équipement des plus élémentaires : quelques peignes, une brosse, des ciseaux et un miroir. Mais le salon n’en rencontre pas moins un succès considérable. Bien plus que cela, il est devenu comme une grande famille. « Au Soudan du Sud, je vivais dans une famille très élargie », raconte Mary Sande. « Je connaissais tout le monde au village, mais quand je suis arrivée ici, je me suis retrouvée seule. Mon mari était parti, j’avais deux enfants. Je n’avais personne à qui m’adresser, qui pouvait me conseiller, me soutenir. Je m’inquiétais beaucoup. C’est alors que j’ai découvert ce groupe, le salon de coiffure. C’est devenu ma famille. »
//ALEXANDRA BOULAT
Éclat de guerre
Commissariat : Lucie Saada
Issue du fonds photographique du CIP, cette exposition est consacrée à la série de guerres qui dévasta la Yougoslavie, de 1991 à 1999.
De 1991 à 1999, une série de guerres dévasta la Yougoslavie. Alexandra a couvert ce conflit, elle écrivit « J’ai couvert ce conflit jusqu’à l’écœurement. J’ai vu à l’œuvre, toujours et encore la même hystérie lorsque les Serbes s’efforçaient de mettre leur emprise sur les Républiques désireuses de se séparer de la Yougoslavie. Pendant presque dix ans, j’ai accompagné au cimetière des milliers de personnes. (…) Tout au long du chemin, ma vision de l’humanité s’est assombrie et tant d’atrocités m’ont fait prendre conscience de la présence du démon sur la Terre. » Le 24 février 2022, la guerre éclata en Ukraine. Lorsque je vis ces images de civils en fuite, entassés dans les bus et sur les routes, ces immeubles en feu, des vies soufflées et réduites en cendres, j’ai été troublée de la ressemblance entre les images de Sandra[1] et celles-ci. Si proches dans leur horreur. Pourquoi se faire la guerre ? C’est une question que je me suis toujours posé. Je ne crois pas avoir connu le monde en paix, bien que les guerres nous paraissent souvent passées ou lointaines. Je pensais, sûrement utopiquement, que l’Histoire nous avait déjà montré l’atrocité des conflits, et que nous en aurions tiré les leçons. C’est triste de voir l’Histoire se répéter, ça dépasse et ça sert nos gorges à tous. Dans La Peste, Camus écrit : « Quand une guerre éclate, les gens disent : " Ça ne durera pas, c'est trop bête. " Et sans doute une guerre est certainement trop bête, mais cela ne l'empêche pas de durer. La bêtise insiste toujours, on s'en apercevrait si l’on ne pensait pas toujours à soi. » Ce qu’il se passe en Ukraine est une tragédie. Nous sommes tous concernés par le retour de la paix, je ne crois pas au discours selon lequel nous ne pouvons rien faire à notre échelle. Lisons, écoutons, observons l’Histoire, prenons conscience de notre universalité et n’oublions pas que la liberté n’est jamais admise. Elle se défend. « Tout a commencé alors que j’avais 27 ans, et mon regard sur le monde était encore celui d’une adolescente. La vocation de photographe, que j’héritais de mon père, ne m’avait jamais confronté ni à la mort, ni à la violence, et la guerre n’avait pour moi qu’une valeur abstraite. » disait Sandra. Ses photographies en Yougoslavie résument, à mes yeux, toute l’injustice d’une guerre. Les conséquences d’une guerre sont concrètes et ses premières victimes sont les Hommes. Sandra est toujours parvenue à rendre compte de cela, de l’humanité d’une guerre, de sa valeur concrète justement. Cette exposition rend hommage aux civils, à ces hommes et femmes soudainement pris de court par la violence. Elle rend aussi hommage aux journalistes, je crois dans l’importance de l’information. Sans eux, sans leur courage et leur désir de montrer la vérité du monde, nous ne pourrions pas nous confronter tant aux joies qu’aux violences de ce qui nous entoure. Lucie Saada – Avril 2022
[1] Sandra est le nom que l’on donnait à Alexandra dans la famille.
//RENCONTRE
avec Jean-François Leroy
Interview : Jean-Luc Soret. Réalisation : Sylvain Chatelain. Septembre 2022
L’histoire et les enjeux du festival Visa pour l’image
Jean-François Leroy est né le 3 octobre 1956. Journaliste, passionné de photographie, il a collaboré aux magazines Photo-Reporter, Le Photographe, Photo-Revue et Photo Magazine. Dans les mêmes temps, il fait des reportages pour l'agence Sipa Press. En 1988, il devient l’agent de Dominique Issermann. En 1989, aux côtés de Yann Arthus-Bertrand, il réalise "3 jours en France", une opération qui peint le portrait de la France en 1989, 150 ans après l'invention de la photographie. Depuis septembre 1989, il organise le Festival International de Photojournalisme "Visa pour l'Image - Perpignan", rendez-vous incontournable de la photographie, tant d’un point de vue critique et public que professionnel.
//LECTURE
Agnès Sajaloli
Extraits de : « Nous, l'Europe : banquet des peuples » (2019, Actes Sud) et « De sang et de lumière » (2017, Actes Sud) de Laurent Gaudé.
Mettre en résonance photojournalisme, littérature et poésie.
Performance, dispositif sonore.
Accompagnement à l’accordéon : Prêle Abelanet
Durée : 35mn.
Face à la force du travail photographique et de la démarche d’Alizé Le Maoult, de Giles Duley et d’Alexandra Boulat il était selon moi nécessaire de mettre ces propositions en résonance avec Nous, l’Europe : banquet des peuples et De sang et de lumière de Laurent Gaudé. D’abord pour la convergence des regards de ces créateurs. Il s’agit pour l’un comme pour les autres de rendre compte de la réalité du monde, d'assumer cet engagement, et d’incarner chacun à leur manière ce que vivent les témoins directs de la violence du monde. En ce sens, l’œuvre littéraire de Laurent Gaudé, en prise directe avec les voyages qu’il a réalisés (jungle de Calais, Bangladesh, Kurdistan irakien, Port au Prince, etc…) et aux reportages qu’il en a fait dans la presse, s'apparente au travail des photoreporters exposés dans le cadre du cycle Le monde sous nos yeux. Ensuite pour le lien que ces œuvres établissent entre l’Histoire et notre réalité d’aujourd’hui. Qu’il s’agisse de la Première Guerre mondiale, des ravages du colonialisme, notamment sur le continent africain, de la guerre en Bosnie, ou de ce que l’on nomme « la crise des migrants », les clichés de Giles Duley, d’Alexandra Boulat ou les portraits des photojournalistes réalisés par Alizé Le Maoult et exposés en diptyque face aux photographies emblématiques de ces témoins du monde rejoignent en bien des points certains textes de Laurent Gaudé, et je pense tout particulièrement à Cris et à Eldorado, Et les colosses tomberont, Danser les ombres, Ouragan, bien sûr. Enfin et surtout pour la place accordée au lecteur/spectateur dans leur travail respectif. Que nous plongions dans la lecture de leurs écrits ou la contemplation de leurs photographies, l’exigence de leur démarche, la qualité de leur travail, la sensibilité de leur approche nous enjoignent à changer notre regard sur le monde et à quitter nos solitudes pour accéder à une dimension collective. Parmi tous les ouvrages de Laurent Gaudé, il m’a semblé qu’il fallait privilégier son écriture poétique, peut-être plus resserrée, plus tranchante, plus rythmée, et mieux à même de faire l’objet d’une lecture de 35 minutes. Et Nous, Europe : banquet des peuples comme De sang et de lumière résonnent selon moi avec une force particulière pour cette exposition : d’abord parce qu’ils permettent de créer des liens directs avec certaines des photographies présentées au plan historique et géographique, ensuite parce qu’ils constituent un véritable manifeste d’une « poésie engagée », raison pour laquelle j’ai choisi de mêler les deux textes, enfin parce qu’ils nous permettent de nous mettre en chemin de notre propre humanité.
Après des études de lettres et de théâtre, Agnès Sajaloli a mené conjointement une carrière d’enseignante, de comédienne et de metteur en scène. Ayant créé une cinquantaine de spectacles et de salons de lecture axés sur le croisement des disciplines artistiques et l’élaboration de projets d’action culturelle en direction de publics très variés, elle a été artiste associée en charge de l’action culturelle à la Scène Nationale de Châteauroux, directrice de l’Établissement National de Production et de Diffusion Artistique Le Grand Bleu de Lille, puis directrice de l’Établissement Public de Coopération Culturelle du Mémorial du Camp de Rivesaltes. Elle mène aujourd’hui divers projets autour de la vie littéraire (écriture, lectures publiques, programmation, formation…) ouvert à de très larges publics, notamment en direction de la jeunesse.